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L'Actu à Jéjé
24 mars 2013

Le nouveau journalisme est effrayant

La génération du moment, si bien décrite par le philosophe Michel Serres dans son livre "Petite Poucette", tient le monde dans sa main car elle a tout à portée de clics frénétiques. En quelques secondes, elle enjambe les continents comme les siècles. C'est heureux mais chaque innovation a son lot de perversité. Entre autres secteurs, les nouvelles technologies ont considérablement chahuté le domaine de l'information.   

Aujourd'hui, le nouveau journalisme, c'est attendre que l'information vienne à soi au lieu d'aller la chercher. Le nouveau journalisme ne doute de rien alors qu'il devrait au contraire douter de tout, c'est l'essence même de son activité. De la même façon qu'hier ma grand-père considérait qu'une information était vraie parce qu'elle était écrite dans le journal, il est aujourd'hui considéré par la jeune génération qu'une information est fiable parce qu'elle est "Googlisée".  

Lorsqu'il est à la recherche d'un sujet ou de précisions, le nouveau journalisme ne part plus sur le terrain, il part sur la toile. Il ne s'appuie plus sur son carnet d'adresses ou sur ses relais de terrain, il se replie sur Google et Wikipedia qui offrent tout et parfois son contraire. Il fait cela par facilité. C'est troublant mais il donne le sentiment de préférer la vie virtuelle à la vraie vie. Internet ne lui apportera pourtant au mieux qu'une information accessible à tout le monde. Alors même que de son entretien sur le terrain avec M. X ou Mme Y naîtra forcément une information à laquelle lui seul à l'avantage d'accéder de par son métier. Hier, la recherche de l'information sur le terrain était un moteur qui faisait avancer. Aujourd'hui, ce sont les moteurs de recherche qui éloignent le nouveau journalisme dLu terrain. 

C'est désormais un lieu commun de le dire, les nouvelles technologies ont considérablement accéléré la vitesse de circulation de l'information. L'omnipotence du média classique a été bouleversée en peu de temps par l'émergence de médias immédiats qui ont modifié les usages. Le nouveau journalisme a engendré de nouveaux comportements dont le plus pathétique est une effrénée course de vitesse. Au nom d'une instantanéité devenue maîtresse de l'information, sans que personne ne trouve à y redire, l'emballement médiatique est aujourd'hui souvent désolant. Il n'y a pas de course entre professionnels pour livrer un scoop, il y a une course pour livrer une information le premier, ce qui n'a pas du tout la même saveur.

Quand le journaliste A rend publique une information, quelle est aussitôt la réaction du journaliste B qui travaille pour un concurrent à l'ère du nouveau journalisme ? Au mieux, il reprend l'information en disant qu'elle émane du journaliste A. Au plus simple, il reprend immédiatement l'information à son compte. Cette information reprise et donnée selon les dires ou les écrits du journaliste A, c'est l'illustration du drame du nouveau journalisme. C'est-à-dire que le souci de ne pas être distancé dans la course à l'information prend systématiquement le pas sur le temps qui devrait être consacré à la vérification de l'information.

Le week-end dernier, cette constatation dommageable s'est retrouvée dans l'actualité lors de la disparition de l'avocat Me Olivier Metzner. Il a suffi qu'un média trop pressé écrive que le défunt avait défendu de nombreuses personnalités dont Yvan Colonna pour que, en cascade, l'information soit reprise sur les réseaux sociaux. Avant qu'un média corse finisse par apporter un démenti formel qui a été aussitôt repris par tous. Et chacun a corrigé sa dépêche ou son post. Mais la correction est éclairante. Elle n'a pas été effectuée après vérification mais tout simplement parce qu'un média corse, qui forcément ne pouvait pas se tromper au sujet de Colonna, faisait circuler un démenti !

Le nouveau journalisme doit donc se reprendre pour ne pas perdre davantage de crédibilité. Il doit reprendre un peu de temps qu'il ne maîtrise plus et il doit retourner vers les gens qui ne le croient plus.  

Ne nous trompons pas, le journalisme reste un des plus beaux métiers du monde. Mais seulement celui qui se vit à l'épreuve du terrain.

 

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Commentaires
P
ça, c'est bien vrai, ça
L'Actu à Jéjé
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